Le choc septique
1. DéfinitionLe sepsis est la réponse systémique àl'infection. Il peut évoluer vers des désordres hémodynamiques (choc)et viscéraux (syndrome de défaillance multiviscérale).
Le chocseptique est le résultat d'interactions complexes entre cellules,cytokines et cascades humorales. Cette cascade d'événements est initiéeaussi bien par des bactéries à gram positif ou des éléments fungiquesque par l'endotoxine contenue dans les bactéries à gram négatif. Lamortalité reste élevée dans les chocs septiques
L'infection estdéfinie comme un phénomène microbien caractérisé par une réponseinflammatoire à la présence de micro-organismes ou à leur passage àl'intérieur de tissu habituellement stérile.
Bactériémie :C'est la présence de bactéries viables dans le sang. Il en est de mêmepour la virémie ou la parasitémie. Le terme de septicémie est plusdifficile à définir. Il faut alors trois hémocultures positives au mêmegerme avec un intervalle d'une heure au moins entre chacune.
Sepsis grave: C'est un sepsis qui conduit à un dysfonctionnement d'organe, à dessignes d'hypoperfusion ou à une hypotension. L'hypoperfusion secaractérise par une acidose lactique, une oligurie, des altérations dela conscience. L'hypotension est une TAS inférieure à.90mmHg ou une TADinférieure à 40mmHg pour une tension habituelle normale.
2. PhysiopathologieLagravité de l'infection est le fait d'un déséquilibre entre un agentcausal et la réponse immuno-inflammatoire de l'hôte infecté. Il estbien évident que les capacités de l'agresseur à dépasser les systèmesde lutte anti-infectieuse sont fonction du nombre et de la virulence decet agresseur mais aussi des défenses immunitaires de l'hôte.
a-Les conséquences sur les différents systèmes.
Le svstème cardio-circulatoire.
Lapremière modification hémodynamique est une diminution des RAS suivied'une augmentation du débit cardiaque et de la fréquence cardiaque sil'hypovolémie est corrigée. Si le patient ne peut pas augmenter sondébit cardiaque, il y aune chute de la tension artérielle. Cettedernière peut-être le fait d'une hypovolémie persistante, soit d'unevasodilatation intense soit d'une défaillance cardiaque.
Disfonction myocardique
Uneatteinte myocardique aiguë précoce est souvent présente avantl'apparition du choc et est réversible à la guérison de l'infection.Cette altération myocardique est globale. Elle se traduit par unediminution voire un effondrement de la fonction d'éjectionventriculaire. Il existe alors des facteurs sériques dépresseursmyocardiques qui sont libérés. Ce sont les cytokines: TNF, ITL1, 2, 6,qui sont des molécules de la cascade de l'inflammation. Ces cytokinesdiminuent directement la contractilité des myocytes cardiaques.
Disfonction vasculaire.
L'hypovolémie est constante dès le début du choc septique et relèvesurtout de la séquestration et de la fuite plasmatique. Lavasomotricité varie en fonction de l' organe. Au total il y a chute desRAS. Par ailleurs il y a des anomalies de l'utilisation de l'oxygène auniveau périphérique.Il y a des modifications de la perméabilitécapillaire ce qui aboutit à une augmentation du flux liquidien etprotidique du secteur vasculaire au secteur interstitiel, ce qui estresponsable du syndrome oedémateux.
Le système pulmonaire.
L'atteintepulmonaire existe dans 40% des cas environ. Quelques heures aprèsl'agression initiale, il y a une nécrose des cellules épithélialesalvéolaires laissant l'interstitium en communication directe avecl'espace alvéolaire. Il y a donc formation d'un exsudat dans l'espacealvéolaire qui constitue l'OAP.
Si l'agression disparaît, il seproduit une phase de réparation avec formation d'un infiltratmononucléé. Un rétablissement structurel et fonctionnel est observéchez la plupart des patients. Dans les autres cas, il se constitue unefibrose pulmonaire rapidement extensive.
Le système hépatique.
Le foie a un rôle a un rôle cytoprotecteur central dans le système de défense de l'organisme contre les agents infectieux.
Il faut différencier deux stades dans la dysfonction hépatique :
Primaire:L 'hypoperfusion microvasculaire hépatique est responsable d'uneischémie hépatique aiguë. Elle est réversible en l'absence depathologie hépatique préexistante si le choc disparaît.
Secondaire:Même si l'infection est apparemment guérie une défaillance hépatiquepeut survenir dans le cadre du syndrome de défaillance multiviscérale.L'endotoxine et les médiateurs inflammatoires participent aux lésionsendothéliales et parenchymateuses.
Le système digestif.
L'atteintedigestive est dominée par des lésions hémorragiques et nécrotiques desmuqueuses digestives. Cela provoque une aggravation de l'hypovolémiepar transsudation plasmatique ou hémorragique. L'intestin estprécocement le siège d'anomalies de l'extraction de l'oxygène etprésente donc des stigmates d'hypoxie localisée de la muqueuse même sila perfusion intestinale globale est satisfaisante. Il en résulte uneérosion de la muqueuse qui entraîne une perméabilisation del'endothélium et des phénomènes de translocation bactérienne. Ceprocessus aggrave, entretient le syndrome de défaillancemultiviscérale. D'où l'intérêt de monitorer le Ph intra-muqueuxgastrique ou rectal.
Le métabolisme.a- Les besoins en oxygène tendent à augmenter mais la consommation d'oxygène VO2 est variable carl'extraction de cette dernière est perturbée. L'acidose lactiquetémoigne à ce moment là d'un métabolisme anaérobie en relation avec unedélivrance en oxygène trop faible dans certains territoires.
b- La fièvre est un déterminant essentiel de l'élévation de la demande métabolique.c- Les hormones.Ily a augmentation de la concentration du cortisol, du glucagon et del'hormone de croissance et ce proportionnellement à la gravité dusepsis.
L'adrénaline augmente la glycémie, la glycogénolyse etinhibe la sécrétion d'insuline. Elle augmente aussi la synthèse duglucagon.
En cas de défaillance multiviscérale il y a une diminutionde la production de glucose endogène. L 'hypoglycémie constatée à cemoment là est un signe de la gravité du sepsis.
Il y a un hypercatabolisme azoté.
La coagulationIl a souvent une CIVD associée.
Le système nerveux central.L'atteinte cérébrale est souvent précoce avec encéphalopathie, troubles de la conscience et confusion.
Le rein.L'hypotension et les troubles de la microcirculation sont source d'insuffisance rénale.
3.La cliniqueLa phase précoce :Lalibération de multiples substances vasodilatatrices aboutit à la chutedes RAS. Donc la fréquence cardiaque et le débit cardiaque augmentent.Si l'hypovolémie est corrigée le patient a des extrémités chaudes, lepouls est bondissant et la tension artérielle est conservée avec unedifférentielle élargie.
Le patient est polypnéique avec une PaCO2 basse.
Mais souvent sont déjà présents les signes d'atteinte mulltiviscérale :
- Hypoxémie par trouble du rapport ventilation /perfusion
- Trouble de la conscience avec souvent une confusion
- Insuffisance rénale
- Hyperbilirubinémie, Hyperglycémie, Hypoalbuminémie, Thrombopénie,
- Augmentation des D-dimères, Hyperleucocytose.
ÉvolutionMalgrél'augmentation du débit cardiaque il y a augmentation des troubles dela microcirculation et atteinte tissulaire: La diurèse s'effondre,l'acide lactique augmente, il y a stase capillaire, la déplétionintravasculaire s'intensifie et la dysfonction cardiaque s'installe.
Lafréquence cardiaque augmente, la tension artérielle est basse avec unedifférentielle pincée. Les extrémités sont froides et cyanosées. Lepatient est polypnéique.
En fait les tableaux sont multiplesintriqués et polymorphes en fonction de la gravité mais aussi duterrain sous jacent sur lequel survient le sepsis.
4.Le bilan infectieuxUnerecherche minutieuse de la source de l'infection est fondamentale. Ilfaut pratiquer des hémocultures, rechercher une porte d'entrée auniveau des urines, des poumons, une plaie cutanée. Au moindre doute ilfaut faire une ponction lombaire. Il faut prélever toutes les voiesd'abord veineuses, il faut ponctionner une collection liquidienneanormale.
Il faut compléter le bilan par une radiographie despoumons ( pneumopathie , SDRA ) par un scanner cérébral ( sinusite,abcès cérébral) et par un scanner abdominal.
Les investigationsne doivent pas retarder le traitement symptomatique du choc et la miseen route d'un traitement antibiotique empirique probabiliste.
5.Les éléments pronostiquesIl faut prendre en compte :
le nombre des défaillances viscérales,
le délai entre le début du choc et le début du traitement,
la réponse au traitement symptomatique
l'accessibilitéà la thérapeutique médicale et/ou chirurgicale du foyer infectieuxinitial et des éventuels foyers métastatiques.
6.Le traitementIldoit interrompre et inverser le processus physiopathologique. Enpremier lieu il faut restaurer un état hémodynamique satisfaisant etassurer une ventilation efficace. L'insuffisance circulatoire du chocseptique associe une hypovolémie une vasodilatation artérielle, destroubles de la microcirculation et une dysfonction myocardique. Il y aalors installation d'une souffrance tissulaire qui aggrave le choc.
Ilfaut mener de front le traitement symptomatique du choc et untraitement antibiotique adapté dés que possible aux donnéesbactériologiques. Une antibiothérapie précoce est adaptée est lemeilleur garant de la survie du patient en choc septique.
a-Le traitement de l'insuffisance circulatoire.Restauration d'un volume circulant adéquatLarestauration d'une volémie efficace est le premier objectif dutraitement du choc septique. Elle permet d'optimiser la précharge,d'augmenter le débit cardiaque, d'optimiser le transfert en oxygène etd'améliorer les débits régionaux.
Les critères de correctionsont: une réduction de la tachycardie, une normalisation de la tensionartérielle, une disparition des signes de vasoconstriction cutanée, unereprise d'une diurèse satisfaisante
Il est nécessaire de mettreen place un monitorage adéquat par PVC, echocardiographie, sonde deSwan Ganz et cathéter artériel afin d'assurer le meilleur débitcardiaque en minimisant le risque d'odème pulmonaire car compte tenu del'altération de la perméabilité capillaire ce dernier risque est majeur.
Les solutés de remplissage.
Cf. cours sur le choc anaphylactique
Il est habituel en premier lieu et devant un état de choc peu Important de perfuser des cristalloïdes en première intention.
Leproblème de la transfusion : C'est encore un problème très controversé.Son intérêt réside dans le maintien d'un contenu artériel en oxygèneoptimal. Mais il semble qu'il faille tenir compte de l'âge des CG pourespérer un effet bénéfique. La plupart du temps on essaie de maintenirune hémoglobine entre 9 et 10g/l00 ml
Restauration d'une pression de perfusion et d'une performance ventriculaire adaptées.Siaprès la restauration d'une volémie efficace il persiste unehypotension artérielle cette dernière peut être due à plusieursmécanismes :
Soit une vasodilatation intense pour laquelle lerecours à des agents vasoconstricteurs de type alpha agonistesDopamine, Noradrénaline s'impose.
Soit une défaillance cardiaque nécessitant le recours aux bêta agonistes Dobutamine, Adrénaline.
C'estdeux mécanismes sont souvent associés. Il n'y a pas de chiffres normauxà atteindre. La tension artérielle souhaitée est fonction de l'âge, duterrain et de la tolérance du choc. Un monitorage précis de la pressionartérielle est donc indispensable. Il est obtenu de façon invasive.
Emploi des catécholamines :Ilest bien entendu qu'il n'existe pas de règles précise d'utilisation descatécholamines. Une conférence de consensus a eu lieu en 1996.
Lespatients devant bénéficier des catécholamines sont ceux qui à un niveaude remplissage jugé satisfaisant ont des signes cliniquesd'incompétence circulatoire ou ceux qui ont une mauvaise tolérance auremplissage.
Pour débuter un traitement par les catécholamines iln'est pas utile d'avoir recours à une étude hémodynamique par cathéterde Swan-Ganz. Aucune étude clinique ne permet de recommander lacorrection d'une acidose métabolique, d'une hypophosphorémie ou d'unehypocalcémie pour améliorer les effets cardio-circulatoires descatécholamines. Donc :
Dans un contexte de contractilité myocardiqueeffondrée sans baisse importante des RAS on introduit une catécholaminea effet inotrope positif comme la dobutamine ou mieux la dopamine.
Dans un contexte de vasoplégie sans atteinte importante de la contractilité myocardique on préfère la noradrénaline.
Dansun contexte mixte on se sert de dopamine à forte dose soit d'adrénalineou mieux encore de l'association dobutamine à 3gamma/Kg/mn ; pourépargner la circulation splanchnique et de noradrénaline. Ladétermination d'une balance adéquate entre l'augmentation des RAS et lemaintien du débit cardiaque doit permettre de déterminerindividuellement les doses optimales. L'utilisation de plus de deuxcatécholamines n'est pas justifiée sur le plan pharmacologique.
Maintien d'une oxygénation tissulaire adaptée aux besoins.
optimisation de la ventilation.Paroxygénothérapie nasale dans un premier temps mais le plus souvent ilfaut intuber le patient pour mettre en route une ventilation mécaniquequi est un des éléments majeurs du maintien d'une oxygénothérapiesatisfaisante. Elle améliore les échanges gazeux, diminue lapost-charge du ventricule gauche et diminue le travail des musclesrespiratoires.
Optimisation de la répartition du débit cardiaque.Lescritères d'efficacité manquent pour évaluer le résultat desthérapeutiques. Certes la reprise d'une diurèse, la restauration d'unétat circulatoire satisfaisant, la disparition des troublesneurologiques sont de bons indices. Mais rien ne permet d'apprécier laperfusion intestinale et le risque d'ischémie de la muqueuse quiconduit à la translocation bactérienne.
La surveillance du tauxde lactates artériels permet d'estimer l'insuffisance circulatoire etle métabolisme anaérobie qui en découle. Les résultats de la mesureséquentielle du taux des lactates présente un intérêt pour évaluerl'efficacité des thérapeutiques en cours en terme d'hypoxie cellulaire.Mais il s'agit d'index global qui ne fournit pas de renseignement surles différentes circulations régionales.
La mesure du Ph intra-muqueux gastrique ou rectal permet d'approcher le degré d'ischémie splanchnique.
Les thérapeutiques adjuvantesLa correction des troubles métaboliquesLacorrection d'une éventuelle acidose est discutée et discutable. Lafonction cardiaque n'apparaît déprimée que pour des Ph inférieurs à 7,2.
L'hémofiltration.Elleréduit l'inflation hydrosodée. Elle élimine de la circulation uncertain nombre de toxines bactériennes et de médiateurs responsables duchoc.
Les corticostéroïdesIls sont très controversés. Plusieurs études sont en cours. De petites doses pourraient être efficaces.
b- Le traitement de l'infectionLe traitement antibiotiqueIlest dans un premier temps empirique car il ne faut pas prendre deretard dans un contexte de choc. Le choix repose sur le contexteclinique, le foyer infectieux éventuellement mis en évidence, leterrain, les antécédents. Il faut tenir compte aussi de l'écologie duservice dans lequel est hospitalisé le patient. Il faut tenir compteaussi d'une éventuelle antibiothérapie préalable. Il faut tenir comptedes pathologies associées et notamment d'une insuffisance rénale ouhépatique.
Dans un deuxième temps l'identification de l'agentpathogène et ensuite de son antibiogramme doivent faire reconsidérer etmodifier l'antibiothérapie instituée de première intention. Il est trèsimportant de resserrer le spectre thérapeutique.
Le traitement de la porte d'entrée.L'éradicationdu foyer infectieux afin de diminuer l'inoculum bactérien estprimordial. Bien souvent les antibiotiques ne peuvent pas pénétrer dansle foyer. Il doit être précoce et il est souvent chirurgical. Il fautaussi rechercher d'éventuelles métastases septiques.
Les perspectives thérapeutiques.Elles sont en cours d'étude et sont le sujet de différents protocoles.